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L’histoire de Glen Garioch est emblématique des vicissitudes qu’on dû traverser les distilleries écossaises et leur exceptionnelle capacité à renaître de leurs cendres. Les Highlands de l’Est bénéficient d’un climat doux et ensoleillé, épargné en partie par les pluies récurrentes qui donnent à ce pays cette belle couleur vert pomme aux reflets auburn. C’est à 28 km d’Aberdeen que somnole Oldmeldrum, bourgade un peu désuète perdue dans « l’extrême Orient » Écossais.
Les frères Manson, (John et Alexander), y établissent leur distillerie dans les années 1790, pour des raisons évidentes : ce village, enfoui au cœur du grenier à blé de l’Aberdeenshire produit la meilleure orge de toute l’Écosse ! Des sources cristallines dévalent les collines de Percock pour finir sur le site d’une ancienne tannerie, emplacement naturel rêvé pour l’implantation d’une distillerie et d’une brasserie. Située au centre du village, bâtie en pierre et coiffée d’ardoise, elle se distingue des constructions en brique du Speyside.
La vallée de la Garioch abritait, en cette fin de XVIIIème siècle, jusqu’à 6 distilleries, mais seule Glen Garioch (prononcer « Geery ») qui signifie « vallée abrupte », a survécu.
1797 est l’année de la fondation de Glen Garioch, attestée sur une bouteille de l’époque. La distillerie change plusieurs fois de main au fil du temps. John Manson, propriétaire depuis 1837, profite de l’arrivée du chemin de fer en 1856, pour abandonner le transport par char à bœufs des matières premières et du whisky.
En 1886, William Sanderson prend le contrôle de Glen Garioch qui alimentait en malt son fameux blend, le VAT69. Ce chef d’entreprise est un « concepteur-rédacteur marketing » très créatif, pour preuve la kyrielle d’abréviations qu’il imagine pour nommer ses whiskies :
S.V.G. : « Specialy Vatted Glen Garioch » O.B.G. : « Old Best Glen Garioch » I.M. : « with a preponderance of Islay Malt », O.M. : « Oldest Malts » Le VAT 88 comme le 69 : « for a short time » et pour finir : A.M. et P.M., « for drinking Before or after lunch »
Jimmy Shand, le responsable de la production d’alors, installe une porcherie dans une annexe de la distillerie afin de recycler le résidu céréalier des washbacks en fourrage. Une démarche éco-responsable avant l’heure pour la valorisation des déchets.
Suite au décès de son père en 1908, William Mark Sanderson reprend l’affaire en main et se tourne vers les marchés de l’export : Europe, Australie, États-Unis. Cette initiative est sans doute due à la hausse considérable des taxes au Royaume-Uni, hausse qui freine sérieusement la consommation de whisky du pays.
Comble de malchance, la loi sur la prohibition entre en vigueur en janvier 1920, les Etats-Unis interdisent alors toute importation, consommation et production d’alcool sur leur territoire.
William Mark Sanderson, pariant sur un rapide retour à la normale, rachète toutes les parts de la distillerie ainsi qu’un chais à Leith. Il meurt en 1929 au moment de la grande dépression. En 1932, sur les 94 distilleries existantes seules 15 sont en activité. La loi sur la prohibition est levée huit mois plus tard.
Kenneth Sanderson fils de Mark, vend la société familiale à la Booth’s Distilleries Ltd.
À la déclaration de guerre en 1939, l’armée installe des dortoirs dans les chais pour y loger les troupes. La production est réduite de deux tiers pour économiser le malt, puis cesse définitivement pendant toute la durée de la guerre. L’orge étant destinée en priorité à l’alimentation, Glen Garioch reprend sa production progressivement et n’atteint son niveau d’avant-guerre qu’en 1960, comme pour la plupart des autres distilleries Écossaises.
La distillerie cesse son activité en 1968 pour cause de manque d’eau chronique. Elle est rachetée en 1970 par Stanley Morrison Discovers (SMD, également propriétaires de Bowmore) qui mandate le directeur, Joe Hugues, pour trouver une nouvelle source.
Elle est découverte sur les terres d’une ferme voisine avec un débit suffisant pour décupler la production. Des travaux d’agrandissement permettent l’acquisition de deux nouveaux alambics. Le premier single malt voit le jour en 1973, le whisky produit jusqu’à présent étant exclusivement destiné au blends (Bell’s, Grant’s, Standfast et Drambuie une liqueur à base de scotch)
Avec la crise du pétrole, le prix de l’énergie flambe et Glen Garioch la première, adopte le gaz (en provenance de la mer du Nord) pour chauffer ses alambics.
En 1977, Glen Garioch innove encore en mettant en place un ingénieux système de récupération de la chaleur qui, outre le préchauffage des fours à malter et des washbacks, permet la culture de légumes sous serre. A l’origine une partie de son orge séchait 6 heures durant au feu de tourbe puis pendant 24 heures au gaz. Dans les années 90, comme la plupart des distilleries, Glen Garioch se tourne vers les malteries indépendantes.
Aujourd’hui les 3 alambics en forme d’oignon distillent un single malt proche de la palette aromatique de l’Auchentoshan (propriété du groupe). Plus de 2 siècles d’apprentissage, d’échecs, de crises, et de transformation auront été nécessaires pour produire ce malt chaleureux, non filtré à froid, d’une douceur mielleuse et crémeuse à souhait. Les whiskies Glen Garioch sont vieillis généralement en fûts de bourbon et de xérès.
Le Japonais Suntory achète la distillerie ainsi que celle de Bowmore en 1984.
L’essentiel de la production est toujours destiné aux blends du groupe Bowmore comme le « Rob Roy » (Robin des bois), mais une large gamme de single malst est également proposée :
Des expressions 10, 15 et 20 ans d’âge et deux expressions sans millésime, « Archive » et « Highland Tradition ».
En 2004, Glen Garioch embouteille 336 flacons d’un 46 ans d’âge distillé en 1958 à 43% vol.
La « 1797 Founder reserve » voit le jour en 2009 ainsi qu’un 12 ans d’âge ; ces deux expressions titrent un taux singulier de 48% vol.
Deux vintages 1978 et 1990 complètent la gamme.